Ce que dit la loi
L’article L3141-5 du Code du travail prévoit qu’en matière de maladie, seules “sont considérées comme périodes de travail effectif, pour la détermination de la durée du congé (...) les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'1 an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle”.
Aussi, la loi traite-t-elle de façon différente, au regard du droit à congé payé, les salariés en situation d'arrêt de travail pour cause de maladie selon l'origine de la situation de santé qui a justifié l'arrêt de travail (professionnelle ou non). Elle limite aussi, en ce qui concerne les périodes de suspension de contrat pour accident de travail ou maladie professionnelle, les périodes comptabilisées comme du temps de travail effectif.
La jurisprudence, qui a plusieurs fois alerté le législateur sur les incohérences du droit français au regard du droit européen, a pris une direction beaucoup plus affirmée, en septembre 2023.
Emboîtant le pas à la Cour d’appel de Versailles (CAA Versailles, 17 juill. 2023, n° 22VE00442) qui a elle-même soulevé cet été, la non-conformité du droit français aux règles de l’Union européenne, la Cour de cassation a rendu 3 arrêts, le 13 septembre 2023 (Cass. Soc., 13 septembre 2023, n°22-17340, n°22-17638, n°22-10529) dans lesquels elle a admis que :
- le droit à congés payés devait être acquis pendant la suspension du contrat de travail du salarié pour maladie, professionnelle ou non ;
- la condition prévoyant que les périodes de suspension considérées comme du travail effectif dans le cadre d’un arrêt pour accident de travail ou maladie professionnelle ne sauraient être limitées à une durée ininterrompue d'1 an.
Sur ce point, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a, le 9 novembre 2023 (CJUE, 9 novembre 2023 affaire 271/22, XT. c/ Keolis Agen Sarl), reconnu que les États membres pouvaient, en cas d’absence pour maladie, limiter la durée de la période de report des congés payés à 15 mois.
Elle a ajouté que le salarié pouvait voir sa demande limitée à 2 périodes de référence consécutives ;
- la prescription du droit à congé payé ne commençait à courir qu'à compter de la fin de la période de référence, et seulement si l'employeur avait pris les dispositions permettant au salarié d'exercer son droit à congés.
La dernière décision est celle du 15 novembre 2023 (Cass. Soc., 15 novembre 2023, n°23-14806), dans laquelle la Cour de cassation a décidé de poser au Conseil constitutionnel, deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sur le fait de savoir si les dispositions légales actuelles portaient atteinte :
- au droit à la santé et au repos garanti par la Constitution. Ces dispositions auraient pour effet de priver le salarié en arrêt pour maladie ordinaire, de tout droit à l'acquisition de congés payés, et le salarié en arrêt pour maladie professionnelle, de tout droit à l'acquisition de congés au-delà d'une période d'un an ;
- au principe d'égalité garanti par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et la Constitution, en ce que le Code du travail introduirait une différence de traitement au regard du droit à congé payé des salariés selon qu’ils sont en situation d'arrêt de travail pour cause de maladie professionnelle ou non.
La décision du Conseil constitutionnel est attendue.
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