L'objectif principal du certificat successoral européen est de faciliter la libre circulation des successions au sein de l'Union européenne et de simplifier les formalités administratives dans les situations transfrontalières. Il vise à offrir une solution plus efficace et harmonisée pour régler les questions successorales au niveau européen.

Contrairement à l'acte de notoriété, qui est généralement utilisé au niveau national pour prouver sa qualité d'héritier, le certificat successoral européen a une portée transfrontalière et est reconnu dans tous les États membres de l'Union Européenne. Il permet ainsi d'éviter les formalités complexes et coûteuses liées à la preuve de la qualité d'héritier dans chaque pays concerné.

Cependant, il convient de noter que les divers apports de la jurisprudence ont permis d’établir les limites des effets produits par ce certificat dans le cadre des successions internationales.

I. L’intérêt du certificat successoral européen

A. Faciliter la preuve de la qualité d’héritier

Issu du règlement 650/2012 du 4 juillet 2012 (entré en vigueur depuis le 17 août 2015), le certificat successoral européen a été créé pour accélérer le traitement des successions internationales, c’est-à-dire présentant un élément d’extranéité. Ce certificat jouit d’un régime juridique autonome (CJUE 21 juin 2018, aff. C-20/17). Les héritiers en font notamment la demande ou encore lorsqu’ils vivent à l’étranger ou sont de  . Il est également possible d’émettre un certificat lorsque le défunt était français mais vivait à l’étranger ou lorsque le défunt résidait en France et était propriétaire de divers biens dans plusieurs pays. L’entrée en vigueur de ce règlement évite notamment les différents conflits de lois qui pourraient survenir à l’occasion de l’ouverture de la succession dite « internationale ».

Ce certificat peut être délivré aux héritiers, légataires, exécuteurs testamentaires ou administrateurs de la succession afin de faciliter l’exercice de leurs droits ou pouvoirs dans les autres États membres (article 1381-1 du Code de procédure civile). Le contenu de ce certificat est précisé par l’article 68 du règlement. Son formulaire standard et multilingue permet également de franchir plus facilement les barrières linguistiques.

Il est délivré à la demande par les autorités compétentes de chaque État membre. En France, il est délivré par le notaire qui est exclusivement compétent pour établir un certificat successoral européen (article 1381-1 du Code de procédure civile). Néanmoins tout notaire n’est pas en droit de délivrer un certificat successoral européen. Le notaire français ne sera compétent que si les juridictions françaises sont compétentes en vertu du règlement pour connaître de la succession. Il convient de préciser que la demande de certificat ne suppose pas que les héritiers aient accepté la succession et elle n’emporte pas non plus acceptation de la succession.

Une fois établit, il produit tous ses effets dans tous les États membres de l’Union européenne (article 69 du règlement).  Il permet d’agir auprès du notaire en charge de la succession internationale mais également auprès des organismes bancaires, des compagnies d’assurances, des caisses de retraites et des autorités judiciaires d’un pays de l’Union Européenne.

Cependant, il convient de rappeler que les modes de preuve nationaux demeurent opératoires, y compris dans le cadre des successions internationales. En effet, il est possible que le notaire saisi du règlement de la succession ne soit pas habilité à délivrer un certificat. Certains modes de preuve nationaux sont plus simples et moins onéreux que le certificat, il reste donc possible d’établir un acte de notoriété. En Allemagne par exemple, le testament authentique suffit à attester de sa qualité d’héritier. 

B. La valeur juridique du certificat

Conformément à l’article 69, points 2 et 3, le certificat est présumé « attester fidèlement l’existence d’éléments qui ont été établis en vertu de la loi applicable à la succession ou en vertu de toute autre loi applicable à des éléments spécifiques. La personne désignée dans le certificat comme étant l’héritier, le légataire, l’exécuteur testamentaire ou l’administrateur de la succession est réputée avoir la qualité mentionnée dans ledit certificat et/ou les droits ou les pouvoirs énoncés dans ledit certificat sans que soient attachées à ces droits ou à ces pouvoirs d’autres conditions et/ou restrictions que celles qui sont énoncées dans le certificat ». (CJUE, 12 oct. 2017).

Le certificat successoral européen bénéficie également d’une priorité par rapport aux documents nationaux, tel que le mentionne le considérant 69 du préambule : « … aucune autorité ou personne devant laquelle serait produit un certificat délivré dans un autre État membre ne devrait être en droit de demander la production d’une décision, d’un acte authentique ou d’une transaction judiciaire en lieu et place du certificat ».

Toutefois, afin de faciliter la vie des héritiers ou légataires résidant dans un autre État membre que celui dans lequel la succession est ou sera réglée, il est permis, selon l’article 13 du Règlement, à toute personne de faire les déclarations relatives à l’acceptation de la succession, d’un legs ou d’une réserve héréditaire ou la renonciation à ceux-ci ou une déclaration visant à limiter sa responsabilité à l’égard des dettes de la succession sous la forme prévue par la loi de l’État membre de sa résidence habituelle devant les juridictions dudit État membre. Les considérants 32 et 33 précisent les conditions de ces options successorales.

Grâce son mécanisme, le certificat européen admet donc davantage de libertés que le droit français interne.

II. Précisions jurisprudentielles sur le certificat successoral européen

A. Durée de validité du certificat

L’établissement d’un certificat successoral européen suppose la production de copies dites « certifiées conformes ». Seules ces dernières sont délivrées aux demandeurs et peuvent donc circuler.  L’autorité émettrice sera seule détentrice de l’original. Par un arrêt du 1er juillet 2020 la CJUE offre de nouvelles précisions quant à la validité de la copie certifiée conforme. Il faut donc retenir de cet arrêt que les copies conformes certifiées sont valables pour une durée de 6 mois, et ce même lorsqu'elle porte la mention « illimitée ». (CJUE, 1er juill. 2020, aff. C-301/20).

La CJUE légitime cette durée en ce qu’elle permet « de vérifier périodiquement que ce certificat n'a pas été rectifié, retiré ou modifié [...] ou que ses effets n'ont pas été suspendus » (§ 24). Bien entendu, comme l'arrêt le souligne, ce délai affecte uniquement les copies certifiées conformes ; et non le certificat en lui-même.

En outre, elle ajoute à son argumentaire que « le calcul de la période de validité doit être effectué à partir de cette date, laquelle garantit la prévisibilité et la sécurité juridique requises en ce qui concerne l'utilisation de ladite copie » (§ 29). Même si le certificat successoral européen comprend une mention d'une durée plus longue, la copie n'est valable que pour une durée de 6 mois à compter de sa délivrance. 

B. Enregistrement des testaments établis à l'étranger et certificat successoral européen

Cette fois rendu par la Cour de cassation (C.cass.1er ch. civ. 13 avril 2022, n° 20-23.530), l'exigence de l'enregistrement des testaments faits en pays étrangers constitue une formalité fiscale, qui ne remet pas en cause l'efficacité probatoire du certificat successoral européen.

En l'espèce, une banque ayant soumis la délivrance des fonds au légataire, titulaire d'une copie du certificat successoral européen établi en Allemagne, à la preuve de l'enregistrement du testament auprès de l'administration fiscale française par application de l'article 1000 du Code civil, celui-ci l'a assignée en libération des fonds et en paiement de dommages-intérêts.

Conformément au considérant 71 du règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012, le certificat successoral européen a une efficacité probatoire, mais ne constitue pas un titre exécutoire, de sorte que, s'il atteste de la qualité et des droits d'héritier, il n'épuise pas nécessairement les formalités à mettre en œuvre pour obtenir l'exécution de ces droits.

En outre, conformément à son considérant 10, le règlement exclut de son domaine matériel les questions fiscales et administratives.

En conséquence, l'exigence d'enregistrement de tout testament établi à l'étranger, prévue aux articles 1000 du Code civil et 655 du CGI, constitue une formalité fiscale dès lors qu'elle relève de l'administration fiscale et donne lieu au paiement d'un droit fixe.

Il s'en déduit qu'une telle exigence, qui ne remet pas en cause l'efficacité probatoire du certificat successoral européen et ne constitue pas une condition d'exécution des testaments prohibée par le règlement, ne porte pas atteinte au principe d'application directe du règlement ni ne le prive de son effet utile.

Partant, ne commet pas de faute de nature à engager sa responsabilité la banque qui refuse de remettre les fonds dépendant de la succession à un héritier titulaire d'un certificat successoral européen, mais ne prouvant pas s'être acquitté de la formalité d'enregistrement prévue par les textes précités.

B. Les limites du certificat successoral

A l’occasion d’un nouvel arrêt en date du 9 mars 2023 la CJUE (CJUE, 5e ch., 9 mars 2023, aff. C-354/21, RJR c/ Registry centras VI) apporte de nouvelles des précisions sur le contenu du certificat successoral européen, dans ses liens avec les systèmes de publicité foncière des Etats de l’Union.

Il faut retenir de cet arrêt que le certificat successoral européen, qui n’identifie pas les biens immobiliers à muter, ne permet pas un accès au registre foncier de l’État membre.

L’établissement d’une attestation de propriété immobilière demeure donc nécessaire pour muter un immeuble dans le contexte d’une succession transfrontière.

Précisions. L’attestation de propriété immobilière est un acte officiel notarié qui vous est remis dans le cas d’un achat, mais aussi d’une succession.

 

SOURCES :

Vidéo notaires de France : https://www.youtube.com/watch?v=9JcT-DtrTXg

RÈGLEMENT (UE) No 650/2012 :
https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2012:201:0107:0134:FR:PDF

CJUE, 5e ch., 9 mars 2023, aff. C-354/21, RJR c/ Registry centras VI : https://www.doctrine.fr/d/CJUE/2023/CJUE62021CJ0354

Sara Godechot-Patris et Nathalie Thevenet-Grospiron Fascicule 150-30 : SUCCESSIONS INTERNATIONALES, le 3 juillet 2019 (Lexis)

Commentaire par Cyril Nourissat Certificat successoral européen et publication des droits réels immobiliers (Lexis)

Commentaire par François Mélin Certificat successoral européen et inscription d’un bien au registre foncier (Dalloz Actualités)