Estimant qu'elle avait subi une inégalité salariale avec ses collègues masculins, une salariée a demandé au Conseil de prud'hommes statuant en référé la communication de pièces détenues par l’employeur, sur le fondement de l'article 145 du CPC, notamment leurs bulletins de salaire.

Se prévaloir des dispositions favorables au demandeur propres à la discrimination en matière de charge de la preuve

En effet, en se plaçant sur le terrain de la discrimination, cela permettait à cette salariée de pallier à la carence d’éléments suffisants pour prouver ce qu’elle affirmait (ses collègues hommes étaient mieux payées qu’elle), maline !

En saisissant le juge de référé avant tout procès au fond, elle pouvait ainsi espérer que celui-ci ordonne à l’employeur de communiquer des documents de nature à justifier derrière l’introduction d’une action en justice et c’est exactement ce qu’elle a obtenu.

Sauf que cette affaire est allée jusqu'en cassation, l'employeur refusant de communiquer ces éléments sous prétexte du respect à la vie privée de ces salariés masculins.

Pourtant, la Cour d'appel avait autorisé l'employeur à ne pas communiquer certaines données personnelles, à l'exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée (fixe et variable) et de la rémunération brute totale cumulée par année civile.

La Cour de cassation fait droit elle aussi à la salariée.

Le fondement juridique du droit à communication des bulletins de salaire d’un collègue masculin

Le droit à la protection des données à caractère personnel n'est pas un droit absolu et doit être mis en balance avec d'autres droits fondamentaux en application du principe de proportionnalité.

Une atteinte à ce droit est donc possible dans la mesure où le but était ici de faire valoir d’autres droits, l’exercice du droit à la preuve et la défense de l’intérêt de la salariée à l’égalité de traitement entre femmes et hommes.

Les conditions cumulatives à respecter pour avoir communication de ces éléments

Il s’agit des mêmes qu’en matière de discrimination, conformément à la jurisprudence habituelle de la Cour de Cassation (Cass. soc. 22 septembre 2021 n° 19-26144 FB)

La communication des éléments permettant de démontrer l’inégalité salariée, comme les bulletins de salaire mais pas que, doit :

1. Etre nécessaire à l'exercice du droit à la preuve de l'inégalité de traitement alléguée et proportionnée au but poursuivi 

2. Reposer sur un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont dépendait la solution du litige.

3. En cas d’atteinte à la vie personnelle d'autres salariés, les juges doivent aussi vérifier quelles données sont indispensables à l'exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi et, au besoin, cantonner le périmètre de la production de pièces sollicitée (comme en l’espèce certaines informations pouvaient être « noircies ».)

C’est une belle avancée qu’on ne peut que saluer en matière de droit fondamentaux, ici ceux de la femme à être traitée, enfin, comme ses collègues masculins à travers un salaire identique et qui fait l’objet d’une large diffusion par la Cour de cassation

Cass. Soc 8 mars 2023 n°21-12492 FSB